Voici quelques clichés intéressants issus de la collection de l'ECPAD.
Ils nous montrent quelques tableaux de la prise d'armes qu'a présidée le vice-amiral Guépratte le 2 mars 1916, notamment ceux quelque peu insolites d'un amiral arrivant à cheval. Mais l'amiral semble connu pour son goût du cérémonial, son extravagance, voire son inconscience (lire à ce propos les réflexions de l'amiral Rémi Monaque : https://www.academieduvar.fr/Activites2/Guepratte.pdf).
Guépratte est alors préfet maritime à Bizerte.
Emile Paul Amable Guépratte est né en 1856. Contre-amiral le 21 septembre 1912, il commande d'abord le front de mer (défense des côtes) du 2e arrondissement maritime à Brest. En septembre 1914, il est nommé au commandement de la division navale de complément qui reçoit d'abord la mission d'escorter les transports de troupes venant d'Algérie, puis d'aller bombarder les forts de l'entrée des Dardanelles en novembre.
Guépratte est resté dans l’histoire comme le héros des Dardanelles et a reçu des Britanniques le surnom de fire eater, le mangeur de feu. Sa journée de gloire est le 18 mars 1915, au cours de laquelle l'escadre alliée part à l'assaut des forts du détroit, la division française la première, entraînée par l'audace de Guépratte. L'opération échoue et les pertes sont lourdes (naufrage du Bouvet éventré par une mine, avaries du Suffren et du Gaulois), mais l'histoire retiendra sa témérité.
Il déploie la même énergie lors des combats des 27 mars, 25 et 26 avril 1915 lors de la bataille dite des "cinq plages". Il est alors considéré par certains comme un "casse-cou", un "illuminé dangereux". Ce comportement conduit en mai à placer au-dessus de lui, sur place, un vice-amiral, Nicol, qui de fait reprend ses fonctions le 21 mai, lui ôtant toute initiative. Guépratte est promu vice-amiral et nommé préfet maritime à Bizerte le 10 octobre 1915.
La pratique de l'équitation n'est pas une première pour lui. En 1915, il parcourait déjà à cheval l'île de Lemnos pour inspecter les positions françaises.
Sur la photographie suivante, un détachement de marins – rien n'indique qu'il s'agisse spécifiquement de fusiliers – attend l'autorité, le fusil au pied. Il est placé sous l'autorité d'un lieutenant de vaisseau, assisté de deux premiers maîtres.
Cette photo est intéressante, car elle nous montre dans un même bloc, mais néanmoins séparés, des marins européens et des marins indigènes, des baharias. Ces derniers se distinguent par le port de la chéchia, mais aussi, y compris pour le second maître à gauche que l'on distingue par ses ancres de col, par un armement différent. Alors que les marins européens sont munis du Lebel, les marins nord-africains semblent être dotés d'un fusil à longue baguette, qui pourrait être le Gras, sans doute rechambré pour la cartouche de 8 mm. Tous les marins portent des demi-jambières en cuir qui ont été introduites en 1912 pour les détachements en armes à terre.
Les photographies suivantes montre la remise de décoration. Celle de gauche a été colorisée, à moins qu'il s'agisse d'un autochrome.
Comme celle de droite sur laquelle Guépratte vient de décorer un capitaine de frégate appartenant probablement de son état-major (port de l'aiguillette), elle nous montre bien les bottes de cavalier de l'amiral, non prévues dans la tenue n°1 – étant la plus haute autorité sur place, qui aurait eu l'audace de le lui dire ? – qui comporte par ailleurs la casquette, la redingote et le ceinturon porte-épée en soie ponceau et or des vice-amiraux.
Encore un joli témoignage de ce qu'était la marine il y a plus de cent ans.
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