Voici quatre personnages importants, à la tête de l'échelon central de la Marine pendant la guerre franco-prussienne et les mois qui ont suivi, notamment pendant la répression de la Commune de Paris. Rappelons qu'à l'époque il n'y avait pas d'état-major général, mais que les opérations étaient directement dirigées par le ministre.
Tout d'abord l'amiral (donc à l'époque l'équivalent du maréchal) Charles Rigault de Genouilly, à la tête de la marine impériale jusqu'au 4 septembre 1870, date de la proclamation de la République et de la chute du gouvernement du général Charles Cousin-Montauban, comte de Palikao.
Il est possible de reprocher à Rigault de Genouilly la relative impréparation de la marine impériale au début de la guerre de 1870. Magnifique sur le papier, la marine française ne disposait que d'un nombre restreint de bâtiments cuirassés armés, c'est-à-dire disposant d'un équipage et prêts à prendre la mer sous court préavis. La marine comptait alors sur le renforcement de la flotte par les nombreux bâtiments maintenus en réserve, certains étant très modernes. Ces bâtiments devaient être le moment venu armés par les marins disponibles dans les dépôts des ports et le rappel des inscrits maritimes. C'était un modèle ancien qui prévalait encore, ancien car ces inscrits maritimes avaient globalement pour profession les métiers traditionnels du littoral – gabiers, charpentiers, calfats – alors que les bâtiments modernes nécessitaient des spécialistes : canonniers, mécaniciens et chauffeurs... Le déficit fut tel que les escadres du Nord du vice-amiral Bouët-Willaumez et de la mer du Nord du vice-amiral Fourichon durent appareiller avec un gros déficit en canonniers, mais aussi en timoniers et en fusiliers, ces derniers étant nécessaires à la défense des lignes de Carentan et de Paris. C'est d'ailleurs Rigault de Genouilly qui réclama pour la marine l'honneur de défendre la capitale.
Plus précisément, il peut être reproché à Rigault de Genouilly d'avoir eu l'orgueil de vouloir commander l'expédition combinée en Baltique tout en restant ministre, et de moins s'y intéresser à partir du moment où il se rendit à l'idée que ce n'était pas possible. Car là aussi, la planification chaude de l'opération du côté de la marine – on met souvent intégralement sur le compte de l'Armée et de ses défaites en août 1870 l'annulation de l'expédition – laissait à désirer.
Fin juillet et début août, les transports étaient accaparés par le rapatriement des troupes stationnées en Algérie, mission tout à fait prévisible qui aurait pu d'emblée faire douter en planification de la suffisance de la capacité de transport disponible pour l'expédition. En conduite par ailleurs, comment expliquer, après la nomination au commandement de l'expédition du vice-amiral Bouët-Willaumez, qu'aucun ordre n'ait été donné aux régiments d'infanterie de marine et au régiment d'artillerie de marine pour rallier Cherbourg en vue d'un embarquement prochain, ces corps de troupes devant constituer le coeur des éléments à projeter ? Peut-être parce que l'expédition ne l'intéressait plus vraiment dès lors qu'il n'avait pas été nommé à sa tête...
Nous voyons ici l'amiral en grand uniforme tel que défini en 1853. L'amiral est distingué par le triple rang de broderie de branches de chêne, comme le maréchal. Il s'en distingue par les ancres au collet et aux parements de manche (ici l'ancre a vraiment l'air d'être rapportée). Le gland de sa dragonne, comme ses épaulettes et les glands de sa ceinture, porte les bâtons croisés (on les perçoit ici) et les sept étoiles en partie supérieure. L'amiral porte, tout comme le ministre, quel que soit le grade de ce dernier, la ceinture en soie blanche et or.
D'ailleurs voici celle du vice-amiral Charles de Dompierre d'Hornoy que nous évoquons plus bas.
Lorsque la République fut proclamée le 4 septembre 1870, le vice-amiral Martin Fourichon fut nommé ministre de la Marine du Gouvernement de la Défense nationale. Mais Fourichon était alors en mer, à la tête de l'escadre de la mer du Nord, anciennement escadre d'évolutions remontée de Méditerranée pour assurer le blocus des côtes allemandes de la mer du Nord, pendant que le vice-amiral-Willaumez était chargé du blocus des côtes de Baltique. Il fallut donc attendre son retour à Cherbourg et son remplacement par le vice-amiral comte de Gueydon, lesquels n'intervinrent que le 13 septembre.
Fourichon allait rester ministre pendant toute la guerre, un ministère particulièrement compliqué, car, dès son arrivée dans la capitale, il dut la quitter le 16, avant le complet encerclement de celle-ci, avec une délégation du gouvernement. Il laissa au ministère rue Royale un délégué, le contre-amiral Albert de Dompierre d'Hornoy, qui assura la fonction auprès du Président du Conseil et gouverneur de Paris, le général Trochu.
Fourichon s'installa alors à Tours avec une délégation du gouvernement. Il dut un temps assurer en plus de ses fonctions celles de ministre de la Guerre, puis batailler contre l'emprise hégémonique sur les départements ministériels de Gambetta, ministre de l'Intérieur, arrivé à Tours en ballon le 7 octobre. Tours dut être évacué par la délégation du gouvernement le 9 décembre, suite aux défaites de l'armée de la Loire. La délégation resterait à Bordeaux jusqu'à la fin de la guerre.
Fourichon eut à décider de mettre un terme à la mission de blocus en Baltique où l'escadre de Bouët-Willaumez s'épuisait en pure perte, sans même frapper les ports allemands de quelques coups de canon.
Ci-dessous figurent Fourichon, à gauche, et Dompierre, à droite. Leurs petits uniformes se différencient par le double rang de branches de chêne pour le vice-amiral, et le rang simple pour le contre-amiral.
Pour Dompierre d'Hornoy, cette délégation du ministre dans le Paris investi par les Allemands ne dut pas être facile non plus, car dans la capitale servait alors un poids lourd de la marine, le vice-amiral baron Camille de la Roncière Le Noury, commandant en chef de la division des marins détachés, qui, sans apparemment interférer avec son benjamin, critiqua sévèrement son action dans une correspondance privée du 8 septembre : "On ne sait si Fourichon acceptera le Ministère. Ce n’est qu’hier que le bâtiment qui lui porte l’avis est parti de Dunkerque. C’est Selva, avec l’Hirondelle. On saura la réponse dans cinq jours. Je crois qu’il acceptera… En attendant, d’Hornoy a été nommé ministre par intérim. C’est ce qu’on avait de mieux à faire ; mais le pauvre garçon a perdu complètement la tête, un peu d’éblouissement et beaucoup par insuffisance." Vice-amiral, Dompierre D'Hornoy serait ministre de la Marine de 1873 à 1874, poste auquel La Roncière d'accéda jamais, en dépit de ses qualités...
Et voici enfin le vice-amiral Louis Pothuau. Ce dernier devint ministre de la Marine, en remplacement de Fourichon, lequel redeviendrait ministre de 1876 à 1877, le 19 février 1871, après les élections législatives du 8 février permises par l'armistice du 28 janvier. Ces élections avaient vocation à faire entériner par le peuple le processus de paix. Pendant le siège de Paris, Pothuau avait fort brillamment commandé les forts du Sud de Paris.
La nouvelle Assemblée nationale issue de ces élections se réunit à Bordeaux et valida le principe des négociations en vue de la paix avec le nouvel empire d'Allemagne. S'en suivit la fronde parisienne de la Commune, opposée à ce qu'elle considérait comme une capitulation.
Le nouveau ministre mit à la disposition du gouvernement désormais installé à Versailles de nombreux marins, canonniers, fusiliers, mais aussi équipages de canonnières pour reprendre Paris des mains des insurgés. Les marins étaient jugés fiables pour cette délicate mission.
On voit ici Pothuau en petite tenue avec casquette et redingote, sur une photo prise après 1876, puisqu'avant cette date le port des épaulettes était obligatoire, les manches en portant pas les étoiles du grade.
Pothuau passa le ministère à Dompierre d'Hornoy en 1873 et retrouverait le portefeuille de la Marine et des Colonies de 1877 à 1879.
Vous pourrez retrouver le destin de ces quatre officiers généraux de marine au cours de "l'année terrible", dont trois bénéficièrent ensuite de l'instabilité ministérielle chronique de la Troisième République, dans notre prochain ouvrage sur La Marine et les marins dans la guerre de 1870.
Très intéressant post sur cette succession d'officiers généraux de la marine au cours d'une période charnière du II Empire aux débuts de la 3e République. Comme vous terminez sur un beau portrait du vice-amiral Pothuau coiffé de sa belle casquette d'un petit volume que j'apprécie beaucoup, je vais vous parler de son sabre de présent. Celui-ci lui avait été offert par son ami le comte Roger en souvenir du siège de Paris. Il ne s'agit pas d'un sabre d'officier de marine mais d'un sabre à monture multi branches en acier comme c'était la mode pour l'armée d'Afrique, style choisi sans aucun doute pour rappeler le commandement à terre de Pothuau; SI la monture est par essence très sob…