L'inauguration de la gare transatlantique de Cherbourg, énorme et magnifique bâtiment qui accueille aujourd'hui la Cité de la Mer – les destructions allemandes de 1944 et la reconstruction nécessaire en modifièrent notablement l'aspect – et était paraît-il à l'époque le plus grand bâtiment public français, après le Château de Versailles, eut lieu le 30 juillet 1933. Cette inauguration par le Président de la République Albert Lebrun donna lieu à une fête populaire. Les services en charge de la sécurité étaient cependant sur les dents : un an auparavant, le Président Doumer avait été assassiné lors d'une manifestation à Paris...
Cette gare maritime avait été conçue par l'architecte René Levavasseur dans un style Art Déco caractéristique des années 1920, mais surtout avec des choix innovants pour faciliter les mouvements des passagers transatlantiques dont le trafic était en plein essor : sur le quai de France, désormais en eaux profondes, neuf passerelles mobiles devaient permettre aux passagers et à leurs bagages de passer du paquebot à la gare transatlantique et inversement.
Une revue navale eut lieu à cette occasion, la deuxième escadre ayant été envoyée de Brest le 27 juillet. La visite à Cherbourg du Président se termina par une visite du tout nouveau croiseur sous-marin Surcouf.
Le Président était accompagné du ministre de la Marine marchande, Eugène Frot, et du sous-secrétaire d’État aux Travaux Publics et au Tourisme, Pierre Appell (qui était député de Cherbourg). Georges Leygues, le ministre de la Marine (militaire) était malade – il mourut le 2 septembre suivant – et ne fut pas du voyage. Le vice-amiral Georges Durand-Viel, chef d'état-major général de la Marine depuis mai 1931 le représenta. Le fidèle chef de cabinet du ministre, le vice-amiral François Darlan, fit aussi le déplacement.
Les autorités militaires accueillant le Président comportaient notamment le vice-amiral Léon Le Dô, commandant en chef, préfet maritime de la 1re région maritime et le vice-amiral Octave Herr.
Il était un peu plus de 11 heures quand l'automotrice Bugatti du Président arriva dans la gare maritime. Cette arrivée fut saluée par 101 coups de canons tirés depuis le fort du Roule.
Après un passage du Président au monument aux morts de Cherbourg pour un dépôt de gerbe, un arrêt à la mairie et enfin un banquet dans la nouvelle gare maritime, qui fut ponctué de nombreux discours, puis la visite de cette gare, la fin du séjour présidentiel fut consacré à la Marine nationale.
Sur le cliché ci-dessous, le Président converse avec le CEMG à sa gauche et a à sa droite le vice-amiral Herr. Ces officiers généraux sont en tenue n°2 définie en 1931, avec casquette, redingote et épée portée par le ceinturon or et soie. Darlan, à droite, se distingue par le port des aiguillettes de fonction (appartenance au cabinet du ministre), tout comme le capitaine de frégate au deuxième rang (vraisemblablement appartenant à la Maison militaire du Président en tant qu'ordonnance).
La revue navale fut assez courte. Le Président, embarqué à bord du contre-torpilleur Vauban – on le voit ci-dessous montant à bord puis se faisant présenter l'état-major du bâtiment, dont le pont paraît bien exigu –, passa devant les bâtiments de la deuxième escadre mouillés en deux lignes. La première comportait le croiseur Lamotte-Picquet (portant la marque du vice-amiral Charles Drujon), les contre-torpilleurs Lion, Lynx, Léopard, Maillé-Brézé et Bison, et les torpilleurs Orage, Adroit et Bourrasque ; la deuxième les sous-marins Poncelet, Argo, Achille, Henri-Poincaré, Espoir, Danaé, Eurydice, Méduse, Antiope et Amazone. Le lecteur notera en passant que cette escadre ne disposait que de bâtiments, certes modernes, mais plutôt légers, la flotte du Ponant étant alors considérée comme moins importante que celle du Levant.
Vers 17h15, le Président Lebrun visita le Surcouf, commandé par le capitaine de frégate de Belot, ce qui nous ramène à la première photo de ce billet. Le Surcouf venait d'être achevé, mais il aurait à subir manifestement quelques modifications ultérieures car l'aspect de sa tourelle de 203 mm n'est pas celle que nous connaissons.
Sur la première photo de ce billet, le Président va quitter le bord (on lui rend son chapeau haut-de-forme et les amiraux récupèrent leurs épées qu'ils avaient sans doute laissées "en dépôt" pendant la visite du sous-marin) ; il est suivi par le commandant et le vice-amiral Le Dô dont on distingue les quatre étoiles sur les manches, apanage des commandants en chef depuis le 16 décembre 1931 : https://www.marins-traditions.fr/_files/ugd/c3f5ca_5b7763aba55d44cd983204179860eb82.pdf. Le Président va être salué par le matelot de 1re classe factionnaire, armé du mousqueton Berthier 92M16 et porteur de l'insigne brodé en soie rouge des sous-mariniers en haut de la manche gauche (torpilles et foudres croisées : https://www.marins-traditions.fr/_files/ugd/c3f5ca_cc065f53e00d4626b5037604b5386ef1.pdf).
Vers 18h30, le Président reprit le train pour Paris après une visite expresse.
Ces photos sont issues de la collection BNF/Gallica.
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