La France entretint pendant plus d'un siècle une présence navale en Extrême-Orient. D'abord appelée Station navale des mers de Chine à la mise en place dans ces eaux d'une force permanente en 1850, puis Division des mers de Chine en 1858 et division des mers de Chine et du Japon – un article de notre site internet rappelle les actions de cette division pendant la guerre de 1870 –, la force navale reçut en fonction de sa taille jusqu'au statut d'escadre, en particulier pendant la conquête du Tonkin sous le commandement de l'amiral Courbet en 1884–1885 et pendant les années qui suivirent les événements de Chine en 1900 (la révolte des Boxers, thème du magnifique film de 1963 Les 55 jours de Pékin).
La dernière appellation de cette force navale spécifique fut "Division Navale d'Extrême-Orient", laquelle fut dissoute le 31 octobre 1956. Aujourd'hui, ces mers sont sous la responsabilité de l'amiral commandant de la zone Asie-Pacifique et des forces armées en Polynésie française.
En 1927–1928 quand furent prises ces photos, le Michelet relevait des Forces navales d'Extrême-Orient commandées par le capitaine de vaisseau Devin, commandant du croiseur cuirassé Jules Michelet. Lancé en 1905, c'était plus de vingt ans après un bâtiment aux caractéristiques militaires un peu dépassées, mais jugées suffisantes pour faire valoir les intérêts de la France dans la région, alors que le Japon ne montrait pas encore de trop fortes ambitions, mais alors que la conférence navale de Washington de 1921–1922 lui avait accordé un statut bien plus avantageux qu'à la France...
Le cliché ci-dessous nous présente l'équipage du Jules Michelet. L'uniforme des officiers mariniers diffère de celui des officiers : ces derniers portaient le veston blanc à col ouvert (cravate visible) depuis 1926 ; les premiers attendront 1939 pour échanger leur veston à col officier par celui à col ouvert.
La photo ci-dessous montre les lignes anciennes du Jules Michelet. Comme on peut le comprendre aisément, c'était toujours le théâtre européen qui suscitait la plus grande attention de la Marine, laquelle y retenait donc les bâtiments les plus modernes et les plus puissants. Toutefois, dans cette deuxième moitié des années 1920, les programmes de renouvellement de la flotte de croiseurs, qui firent la fierté de la France à la fin des années 1930, ne s'étaient pas encore concrétisés...
En dépit de la relative vétusté du Michelet, ses canons de 194 mm pouvait encore en imposer dans les pays d'Asie du Sud-Est visités comme vis-à-vis des partenaires et concurrents dans ces eaux lointaines.
Voici ci-dessous l'état-major. Comme pour toute force indépendante à cette époque, il comportait un aumônier. Nous pouvons affirmer que cette photo fut prise avant la première photo de l'équipage. En effet, les officiers portent ici la casquette à coiffe blanche sans écusson. Le cliché est donc antérieur à l'adoption de la casquette à écusson frontal le 22 septembre 1927 (rappelons que les officiers généraux attendirent le 28 décembre 1928 pour être équipés d'une casquette analogue).
La mission de représentation en soutien de la diplomatie françaises du Jules Michelet imposait à celui-ci l'existence d'une section d'honneur. La voici, commandée par un enseigne de vaisseau de 2e classe (il ne peut s'agir d'un officier marinier supérieur, puisque premier maître et maître principal conservèrent le veston en drap bleu à col fermé jusqu'en 1939). Les hommes armés de mousquetons 1892M16 sont en tenue n°101 de 1928, avec brelage correspondant.
Les nombreuses escales du bâtiment permirent de profiter de l'artisanat asiatique, en particulier aux marins de conserver des souvenirs de leur campagne. Ci-dessous, un ruban légendé "fantoche" des forces navales d'Extrême-Orient.
Un billet ultérieur évoquera davantage les activités du Jules Michelet au cours de cette campagne 1927-1928.
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