La Commune de Paris est un tragique événement de notre histoire. Au cours de cet épisode, quelques très rares hommes de la Marine s'égarèrent – le commandement avait eu soin d'éloigner les marins du siège de Paris à temps – en épousant les thèses des insurgés et en trouvant des complices parmi la gente féminine pour la manoeuvre des bâtiments de la flottille ou le bataillon de marins de la Garde nationale.
Lorsque la Commune fut proclamée, les fédérés disposaient des bâtiments de l’ancienne flottille de la Seine laissés sur place. Du fait de leur mobilité et de leur artillerie, ces moyens pouvaient être exploités pour la défense de la capitale, comme ils l'avaient été pendant le siège. Initialement rassemblés au Pont-Neuf où la Commune recueillit des engagements à y servir vers le 10 avril, ils descendirent jusqu’à la Concorde. La canonnière Farcy, rebaptisée Liberté, alla faire des reconnaissances jusqu’au Point-du-Jour, tandis que le Sabre, la Claymore, l’Estoc, la Bayonnette, la Caronade et la batterie flottante n°5, rebaptisée La Commune, étaient calfatés, blindés et repeints. Le commandant Durassier, ancien engagé volontaire dans la marine impériale, puis capitaine au long cours, en prit le commandement le 3 avril. Certains bâtiments agirent alors contre les Versaillais : le 18, la batterie flottante ancrée au Point-du-Jour ouvrit le feu sur Meudon ; le 25, des canonnières et la batterie flottante, désormais sous le commandement de Peyrusset, attaquèrent alternativement Breteuil, Sèvres et Brimborion.
Voici le commandant Durassier, dessiné par Bertall (BNF/Gallica), dont l'uniforme s'inspirait de celui des marins "officiels", ceux de Versailles (une autre repésentation nous montre cependant une redingote marron). Il mourut le 29 mai au commandement du fort de Vanves.
Peyrusset tenta d’améliorer le recrutement. Par voie de réquisition, la compagnie des bateaux-omnibus de Paris dut céder son personnel à la flottille des insurgés. Mais au-delà de ces mariniers, quelques femmes s'engagèrent pour servir sur les bâtiments de la flottille, dont voici ci-dessous quelques représentantes, portant crânement leur bonnet de marin : les premières marinettes... et le commandant de l'Estoc. Le stock d'uniformes laissé dans la capitale permit d'équiper ces marins de circonstance.
Voici une vue de l'intérieur de la batterie flottante La Commune.
Le 13 mai, les batteries versaillaises commencèrent à bombarder les canonnières par intermittence ; celles-ci ripostèrent. Mais dans l’après-midi, le feu se fit plus vif et la flottille dut quitter le port Debilly dans l’Ouest parisien et se réfugier au Pont-Royal, non sans avoir perdu l’Estoc qui sombra. Le lendemain, la Commune décida de désarmer les bâtiments et d’envoyer leurs équipages vers les fortifications...
Les dessins de Raffet ci-dessous (source BNF/Gallica) nous montre un représentant officier – il porte le bonnet ! – et une représentante des marins de la Garde nationale, formation créée le 6 avril qui totalisa jusqu'à 330 hommes et femmes. Ces marins participèrent à la défense d’Issy face au 1er régiment de fusiliers marins qui ne leur fit pas de quartier en voyant leurs tenues qu'ils considérèrent usurpées par les "marins" insurgés. Affectés à la défense du ministère de la Marine, place de la Concorde, les marins insurgés furent réduits de manière féroce au cours de la Semaine Sanglante.
Le tout avec une écharpe rouge qui n'a jamais équipé les marins d'État, naturellement.
Le lecteur trouvera dans notre ouvrage La Marine et les marins dans la guerre de 1870, à paraître, le récit de l'action des marins de Versailles contre la Commune.
Sur les "marins" de la Commune, nous recommandons par ailleurs la lecture de l'ouvrage L’armée de la Commune (partie I), hors série publié en 2023 par la société d'études d'histoire militaire La Sabretache.
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